
Fin du cinéma
En septembre 2022. magazine film français (indispensable pour les professionnels du secteur) a publié une couverture controversée lors du célèbre congrès des opérateurs à Deauville. Pour rendre compte de tous les défis du cinéma français qui peine à se relever de la crise du Covid, le magazine n’a rien trouvé de mieux que de présenter fièrement Jérôme Seydoux, Président de Pathé, entouré de Pierre Niney, Vincent Cassel, Pio Marmai, François Civil, Dany Boon et bien sûr, Guillaume Canet.
Bref, les vedettes locales de la prochaine grosse production du groupe, emmenées par Trois Mousquetaires et Astérix et Obélix : L’Empire du Milieu. Outre la bêtise du titre prônant une « objectif : reconquête » (sic), il y a bien sûr une incroyable maladresse dans cette approche.
Pas de femmes, pas de diversité, mais surtout la naïveté déconcertante de croire que le public retournera dans les salles obscures juste parce que Les gros blockbusters de Franchouillardbasée sur une propriété intellectuelle déjà adaptée cent fois, et confiée à des “artistes” qui n’ont manifestement pas les épaules pour de tels projets.
C’est tellement mauvais que nous allons mettre des références à Mission Cleopatra dans le titre à la place
Si film français il s’est ouvertement excusé, affirmant que la couverture n’était en aucun cas destinée à envoyer ce message masculiniste et qu’en plus, le résultat final est révélateur de la stratégie de Pathé et de ses têtes pensantes. C’est moins une question d’agenda politique que de pure stupidité. Sous ce prisme, l’échec cuisant de cette nouvelle Astérix c’est juste plus clair. Avec une inconscience presque désarmante, la nouvelle aventure de nos amis gaulois se confirme au comble de l’anciennetépassés par des baby-boomers convaincus d’être toujours au sommet de la chaîne alimentaire.
En revanche, ce qu’on pouvait attendre de Guillaume Canet devant et derrière la caméra, alors qu’il se spécialisait jusque-là dans les voyages d’ego gênants (rock n Roll, Lui) et des films de vacances de luxe à la piscine d’Arcachon (Petits mouchoirs, Nous finirons ensemble) ? C’est là que réside la première aberration du film, qui n’a rien à voir avec confier 65 millions d’euros au premier.
Un lion ne s’associe pas à un cafard
Petits mouchoirs pleins de bave
Résultat, Royaume du millieu il plonge tête baissée dans les erreurs qu’il a déjà commisesAstérix aux Jeux olympiques queue de peloton : une série de sketchs mal arrangés, ponctués de camées opportunistes pour compléter les 16-25 ans (ou plutôt l’idée que les producteurs se font de cette pièce…). Avec de gros coups de Zlatan Ibrahimović, Angèle, Bigflo et Oli ou McFly et Carlitole film voudrait se convaincre de sa modernité, et il ne fait que confirmer combien “l’esprit Canal+” qu’il voudrait faire renaître n’est qu’un cadavre en décomposition.
A voir José García jouer un grand fou à l’accent caricatural, comme au bon vieux temps de ses apparitions télévisées avec Antoine De Caunes, on comprend que Canet aimerait réitérer le succès Mission Cléopâtre, mais sans reconnaître que le vent a tourné. Alain Chabat a su tirer le meilleur parti de ses acteurs et de leurs univers. Le réalisateur de cette nouvelle version est, pour sa part, limité par un scénario à la fois écrasé et souscrit, où sa caméra fixe correspond à la faible largeur donnée à l’improvisation.
Tu me vois, tu ne me vois plus
Ainsi, à l’exception de Gilles Lellouche et de son interprétation plutôt douce d’Obélix, le reste du casting est plombé par la direction désastreuse des acteurs. C’est très simple : l’échec le plus inexcusable de ce Royaume du millieu est du côté de Jonathan Cohen. Nous avons halluciné que l’un des talents comiques les plus brillants du moment (Mythe de Serge, Flamme) parvient à peine à nous faire sourire pendant la séance. C’est dire à quel point Guillaume Canet est incapable de modeler sa matière, son casting déjanté et ses atouts démesurés.
En plus de l’absence totale d’esprit aventureux, le film n’essaie même pas de construire un décor. Tout sent bon un enregistrement studio clairsemé, porté par des effets visuels approximatifs et un cut d’une douceur sans nom. Forcément, en risquant des séquences d’arts martiaux qui feraient pleurer Tsui Hark et Yuen Woo-Ping de sanglantes larmes, la misère de l’entreprise n’en est que plus apparente.
Ce tombeau sera ton tombeau
Pourtant, cette paresse serait presque insignifiante si l’inconscience précitée ne se répercutait pas aussi sur l’écriture du film. De bandes dessinées surAstérix jouer avec leur aspect cyclique, avec l’éternel monologue d’ouverture et le banquet final, Royaume du millieu il exploite cette idée de permanence pour justifier un discours assez archaïque comme il se doit. Astérix en a marre de manger du sanglier et de boire de la potion magique ? Ses envies progressistes seront inévitablement ridiculisées et stoppées par le développement logique de l’histoire. César a une “petite épée” et est trompé par Cléopâtre ? ça finira quand même “porter une toge” comme le dit si subtilement le film.
C’est à cela qu’en sont désormais réduits les personnages d’Uderz et de Goscinny : nos oncles ivres lors des repas de famille, et tout cela dans un film qui voudrait faire revenir les spectateurs au cinéma malgré la mise en scène pas digne du grand écran. C’est beau, Reconquête…